Fashion Week à la Goutte d’Or

C’était pas gagné : Ciel chargé, air frisquet. Et un jour aléatoire, un Samedi. Ce jour là, la Goutte d’or est ordinairement envahie d’une foule vibrionnante, venue de toute la banlieue parisienne et même de Province voire plus. C’est le jour des courses de nourriture dans le marché africain le plus grand d’Europe. Le jour aussi où la bonne centaine d’ateliers de couture fait le plein.

Bref, pas sûr que les quelques couturiers prévus se libèrent même pour un défilé de mode. Celui ci organisé par le Collectif « Les Goutte d’Or de la mode et du design » était prévu à 15h. Le lieu du défilé, la Goutte verte, le jardin partagé qui prolonge le square Alain Bashung. Un bien joli lieu, planté d’arbres fruitiers palissés, et d’une kyrielle de plantes en pots ou en terre et même nanti d’un poulailler et d’une serre à semis. Un seul défaut quand même, il est évidemment en plein air et ce jour là, ouvert à tout vent. A l’heure dite,15h, en coulisse (en mode on dit Backstage), il n’y avait qu’un seul couturier, Boubakar Sidibé et deux de ses modèles.

L’inquiétude gagnait. Annie Vallet, qui depuis des mois tente avec un bel enthousiasme de professionnaliser les professionnels de la profession, à savoir quand c’est possible (carte de séjour), de leur faire adopter la pratique du mail, de la facture et d’adopter le statut d’auto entrepreneur. Annie Vallet donc était aux cent coups, et tapotait sur son portable pour battre le rappel.

A 15h30, il n’était plus question d’attendre. Les spectateurs, un bonne centaine bien emmitouflée, s’impatientait. La petite bande des footballeuses et des footballeurs des « Enfants de la Goutte d’Or », piétinait d’impatience et commençait à cavaler partout. En tenue, sweat jaune d’or, jogging noir ou t- shirt conçus et brodés par les couturiers, les enfants ont ouvert le défilé. Les filles ont avancé deux par deux, et certaines avec la démarche un brin chaloupée des mannequins pros. Les quatre petits garçons ont fait ce que font les petits garçons, ils ont couru tout le long du sentier tracé pour défiler, et à perdre haleine.

Les jardiniers et jardinières de la « Goutte verte » en veste jaune, salopette rose, ou tablier multicolore, ont suivi.

Sidibé a arpenté l’espace dévolu  en manteau patchwork du plus bel effet (avis du photographe) et présenté deux modèles, un classique ensemble en wax et une robe de soirée.

Les couturiers annoncés sont arrivés en ordre dispersé, certains avec un seul modèle (Abdoulaye Cissé), quand d’autres ont donné la mesure de leur diversité (Lamine Diallo avec trois modèles, Yollande Loboko, idem).  Le défilé s’est terminé avec une splendeur longiligne, portant deux robes de soirée, une de couleur ocre et l’autre d’un bleu profond, formidable ouvrage de Cheick Oumar Djim.

Des étudiants de l’Ecole Louis Lumière avaient tendu une toile blanche contre la serre pour le final. Mannequins et couturiers se sont donc rendu au  Photocall (en vf. Prise de vue).

Les quelques trois-cents couturiers de la Goutte d’Or ne sont pas (ou plus) la part un peu exotique et quasi invisible du quartier. Ils ne font pas que des boubous et des retouches. L’affaire a commencé pendant la Covid, quand, à l’appel de la Mairie de Paris, une quarantaine d’entre eux ont confectionné ce qui manquait tant alors : 100000 masques, des vrais, tout ce qu’il  y a de plus chirurgical. De quoi les consacrer « travailleurs essentiels ». Ils maillent, si j’ose dire, désormais le quartier. Et ce samedi là ils ont montré aussi qu’ils peuvent s’adresser au tout venant, homme ou femme.

Et maintenant, place au défilé : Reportage photo © Michel Setboun

L’équipe de foot « les Enfants de la Goutte d ‘Or »: sweat, t-shirt et pantalon brodés.
Manteau maison en patchwork pour le couturier Sidibé
Ramna en tenue futuriste et Louise en jupette pour le couturier Lamine Diallo
Tenue chic pour Anita par le couturier Boubacar Sidibé
Les modèles de Yollande Loboko, avec au centre, Keivan, en guerrier.
Corinna en tenue pour une cérémonie de mariage pour Lamine Diallo
Louise tout en wax pour le couturier Lamine Diallo
Ambiance en coulisses
Gül porte un ensemble pantalon veste peint par le couturier Abdoulaye Cissé
Sous les frondaisons ..la mode. Robe de soirée du couturier Cheick Oumar Djim